Pour cette nouvelle exposition personnelle de Georges Rousse, la galerie Catherine Putman a choisi de réunir un ensemble de photographies et de dessins autour du motif de l'étoile qui est apparu dans son travail en 2013. Après le rond et le carré qui caractérisent le vocabulaire graphique de l'artiste, la forme géométrique de l'étoile à cinq branches est une nouvelle proposition dans le champ du dessin dans l'espace créé par ses anamorphoses. Au delà des caractéristiques plastiques et complexes évidentes de cette forme réalisée pas l'artiste dans la profondeur d'un espace, l'étoile a évidemment une charge symbolique très forte et plurielle et dont la première est peut-être celle de la lumière, question centrale dans l'oeuvre de Georges Rousse.
L'exposition présente donc, au travers d'une sélection d'aquarelles et de photographies, trois réalisations très différentes.
« Matsushima », 2013 : c'est la première fois que l'étoile apparaît dans une installation de Georges Rousse. Le café Loin, lieu d'échange et de méditation, créé en 2007 sur une colline, dans la région de Fukushima au Japon, se trouve abandonné suite au tsunami de 2011. Georges Rousse connaît bien le Japon, notamment pour avoir travaillé à Kobé après le tremblement de terre de 1995. De nouveau ce sont les japonais qui lui proposent de venir travailler dans un lieu marqué par une cicatrice sismique et voué à la démolition. Ce sont des haïkus qui lui inspirent le dessin de l'étoile, ces petits poèmes extrêmement brefs lui parlent car ils renvoient à son propre travail : la simplicité de leur forme vise à dire l'évanescence des choses. Deux étoiles, l'une en positif, l'autre en négatif, apparaissent alors dans cet espace ouvert sur la nature. La réalisation de l'installation a commencée sous les dernières neiges d'avril, pour s'achever par la prise de vue définitive le jour de la floraison des cerisiers (la référence essentielle des haïkus aux saisons est là) : l'étoile symbole du désir de survivance d'un endroit dévasté par les catastrophes naturelles.
« Samaritaine », 2013 : dans le célèbre grand magasin parisien, désormais fermé, de superbes aquarelles nous révèlent plusieurs projets imaginés par Georges Rousse qui joue avec l'architecture intérieure caractéristique des grands magasins 1900, projetant par exemple des anamorphoses en contre-plongée sur les balustrades de plusieurs étages des galeries marchandes.
Préfigurée par deux aquarelles lumineuses, l'installation qui sera finalement réalisée est une anamorphose d'étoile dans une des coupoles polychromes de l'édifice. Le choix de la feuille d'or guidé par la lumière fabuleuse que dégage ce matériau, nous ramène aussi à la magnificence passée de ce lieu du luxe parisien aujourd'hui abandonné et qui attend sa réhabilitation. Bien loin de la méditation et de l'harmonie avec la nature recherchée dans l'installation nippone, l'étoile apparaît comme le symbole d'une heure de gloire achevée et de l'annonce d'un renouveau.
« Santiago », 2013 : à l'occasion d'une grande rétrospective au MAC de Santiago réalisée en collaboration avec la fondation ITAU au Chili, Georges Rousse a créé une installation inédite dans la salle principale du Musée d'Art Contemporain. Cette fois ce n'est plus uniquement par la peinture mais aussi par l'élaboration d'une construction architecturale complexe, que l'artiste va faire apparaitre l'étoile. Il a fait construire la réplique d'une maison d'architecte de Valparaiso, qui se trouve sur les plages de Ritoque (une région investie par des artistes chiliens dans les années 70, pour créer des lieux de vie en synergie avec la poésie, la peinture, la littérature). Georges Rousse perturbe ainsi l'architecture néo-classique du musée par l'introduction de cette construction contemporaine. La pureté graphique de ses lignes et du noir et blanc contraste avec la complexité technique de cette « archi-sculpture » : architecture noire dans laquelle il a sculpté une étoile, elle-même, peinte en blanc toujours avec ce principe d'anamorphose.
Des aquarelles, parfois proches du dessin d'architecte, montrent bien le travail d'élaboration et de recherche de profondeur de cette installation ; ces dessins nous dévoilent aussi d'autres projets imaginés par l'artiste pour ce lieu : « Sueño » nous rappelle que le dessin reste pour Georges Rousse le champ libre de ses rêves et de ses projections, sans les contraintes techniques et matérielles qui s'imposent ensuite à ses réalisations.
La galerie présentera également ses dernières éditions, photographies d'installations récentes témoignant de son travail à travers le monde. A Phnom Penh au Cambodge à l'occasion de Photo Phnom Penh en 2012 ; à Marseille en 2013, année de Marseille Provence Capitale Européenne de la Culture, dans l'ancienne station sanitaire abandonnée; à Séoul, la même année, au Séoul Art Center où lui était consacrée une grande exposition et enfin à Bordeaux, à la Base sous-marine, où se tient l'exposition « Georges Rousse : Espace(s) - Métamorphoses poétiques » jusqu'au 14 décembre 2014.
Matsushima, Paris, Santiago
15 Novembre 2014 - 3 Janvier 2015